ANJ : où est le problème ? La nouvelle campagne de sensibilisation aux jeux de grattage pour Noël
🔔 L’essentiel à retenir sur cette campagne de sensibilisation pour Noël de l’ANJ
- ✅ À Noël, les jeux à gratter sont souvent offerts “pour rigoler”, mais l’ANJ alerte : chez les mineurs, ce cadeau banalise un jeu d’argent et peut favoriser une entrée précoce dans la pratique.
- ✅ L’enquête Toluna–Harris (pour l’ANJ) indique que 25% des Français ont déjà offert un ticket à gratter à un enfant, et Noël est la période la plus propice à ce type de cadeau.
- ✅ Paradoxe massif : la population perçoit très bien le danger. 94% estiment les jeux d’argent dangereux pour les enfants et 93% pensent qu’un enfant qui joue risque de développer une addiction.
- ✅ Les données ENJEU-Mineurs montrent que le grattage est la porte d’entrée la plus fréquente chez les 15-17 ans joueurs (78,4%), avec une initiation souvent familiale autour de 13 ans.
- ✅ La recherche souligne des facteurs de risque : rapidité du jeu (résultat immédiat), illusion de contrôle, attrait des gros gains, influence de la publicité et bascule possible vers des pratiques plus régulières (et parfois en ligne).
- ✅ Message clé pour les familles : un ticket à gratter n’est pas un jouet. Mieux vaut privilégier des alternatives “surprise” sans argent (jeu de société, expérience, chasse au trésor), et poser une règle claire : pas de jeu d’argent avant 18 ans.
Un “cadeau” plus courant qu’on ne l’imagine
Une enquête Toluna–Harris Interactive réalisée en décembre 2024 pour l’ANJ montre que 25% des Français déclarent avoir déjà offert au moins une fois un jeu de grattage à un enfant. Et ce n’est pas marginal chez les parents : un parent sur trois dit l’avoir déjà fait.
Plus révélateur encore : quand cette pratique existe, Noël est de loin le moment le plus propice. Parmi ceux qui ont déjà offert un ticket, 58% disent l’avoir fait à Noël (devant l’anniversaire, 34%). Et dans près d’un cas sur deux, le cadeau va… à son propre enfant (46%).
Et la tendance ne s’éteint pas : 20% des Français affirment avoir l’intention d’offrir des tickets à un enfant pour Noël “cette année”, et 14% des parents disent qu’ils en offriront à leurs enfants.
« On sait que c’est dangereux » mais on le fait quand même
C’est là que le paradoxe devient glaçant : la même enquête montre que la société perçoit très clairement le danger.
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👉 94% des Français estiment que les jeux d’argent sont dangereux pour les enfants, davantage que les réseaux sociaux ou les écrans.
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👉 93% pensent qu’un enfant qui joue à des jeux d’argent risque de développer une addiction. Même parmi ceux qui ont déjà offert un ticket, le risque est reconnu (87%).
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👉 L’interdiction est connue : 87% disent que les jeux de grattage sont interdits aux mineurs (et 77% de ceux ayant déjà offert un ticket déclarent avoir conscience de cette interdiction).
Autrement dit : on sait que la partie est pipée pour les plus jeunes… mais on met quand même la mise sur la table, souvent au nom de la tradition, du “c’est pour rigoler”, ou du “ça fait un souvenir”.
Le grattage n’est pas un “petit jeu” neutre : ce que dit la recherche
Un autre document clé, cette fois scientifique, aide à comprendre pourquoi l’ANJ insiste autant : l’Étude sur les jeux de grattage en France (Université Concordia, rapport final du 23 juin 2025) rappelle que le grattage est une pratique massive et que ses dommages sont loin d’être théoriques.
Un niveau de risque mesurable, y compris “spécifique grattage”
Dans l’échantillon (5 019 joueurs adultes), l’étude met en évidence un risque spécifique lié au grattage : 9,3% des joueurs sont classés “à risque modéré” et 14,6% “à risque élevé” sur l’indice utilisé (ICJE adapté au grattage). Et surtout, quand les problèmes existent déjà dans le jeu “en général”, ils se retrouvent très souvent aussi dans le grattage.
Le piège de l’omnicanalité : point de vente + en ligne
L’étude insiste sur un point moderne : le risque augmente quand les pratiques se mélangent (point de vente + en ligne). Les joueurs “mixtes”, surtout ceux qui jouent beaucoup en ligne, déclarent des pratiques plus intensives et des niveaux de risque plus élevés.
Pourquoi c’est important pour Noël ? Parce que le ticket offert “pour rigoler” peut être le déclencheur : première expérience en famille, puis bascule vers l’achat autonome et plus tard, vers le numérique (où l’accès est permanent).
Pub, gros lots et promotions : des leviers qui poussent à rejouer
La mécanique n’est pas seulement “psychologique”, elle est aussi environnementale. L’étude observe que 2 à 3 joueurs sur 10 déclarent que la publicité, l’annonce de gros lots/jackpots ou les offres promo les influencent parfois (jouer plus, dépenser plus), et 3 à 5% disent que cela les influence plusieurs fois.
Et chez les joueurs les plus à risque, l’effet explose : par exemple, l’influence de la publicité (jouer plus/dépenser plus que prévu) monte à 49,2% chez les joueurs à risque modéré et 65,8% chez les joueurs à risque élevé.
Le message est clair : le grattage n’est pas seulement un ticket, c’est un produit conçu pour être attractif (rapidité, accessibilité, univers proche du jeu vidéo, effets visuels/sonores), et ces éléments comptent davantage chez les profils les plus vulnérables.
Et chez les jeunes ? Le grattage est souvent la porte d’entrée
Les données ENJEU-Mineurs (15–17 ans) vont dans le même sens : plus d’un tiers des 15–17 ans (34,8%) déclare avoir joué à un jeu d’argent dans l’année, et le grattage domine très largement chez les joueurs (78,4%). L’initiation se fait en moyenne vers 13,3 ans, souvent avec les parents, et 53,1% des mineurs jugent “très ou assez facile” d’obtenir des cartes à gratter en point de vente.
C’est exactement le nœud du problème “Noël” : quand l’entrée dans le jeu est mise en scène dans un moment chaleureux (cadeau, calendrier de l’Avent, rire collectif), le cerveau d’un jeune associe le geste à quelque chose de positif, familial, normal — alors que le produit reste un jeu d’argent, avec des mécanismes de renforcement très puissants.
Pourquoi ce cadeau est “empoisonné” : 5 mécanismes à connaître
Sans dramatiser à l’excès, il faut nommer les choses. En donnant des jeux de grattage à des joueurs mineurs, ont leur offre un cadeau empoisonné.
🔔 Offrir un grattage à un mineur, c’est l’exposer tôt à :
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1️⃣ La normalisation : “les adultes offrent ça, donc c’est OK”.
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2️⃣ Le renforcement immédiat : le grattage donne un résultat rapide et une envie de recommencer.
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3️⃣ L’illusion de contrôle : certains jeunes (et adultes) finissent par croire qu’il existe une “bonne façon” de choisir, de gratter, de “sentir” le ticket.
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4️⃣ Le fantasme du coup de chance : l’idée qu’un gain peut “changer la donne”, même si statistiquement, la perte est le scénario le plus fréquent.
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5️⃣ Le glissement : du ticket cadeau au ticket “avec mon argent de poche” jusqu’à la routine de jeu.
Noël agit comme un accélérateur parce qu’il combine émotion, rituel, et répétition (calendrier de l’Avent, pochettes, “allez prends-en un aussi !”).
Ce que les familles peuvent faire (concret, sans culpabiliser)
Si l’on veut retenir une règle simple de cette enquête, un ticket à gratter n’est pas un jouet. Et un mineur n’a pas à être mis en situation de jeu d’argent, même “pour s’amuser”.
Si vous comptiez en offrir à vos proches, sachez que des alternatives et qui gardent l’esprit “surprise” comme un jeu de société (hasard sans argent) pour les plus jeunes, une carte cadeau ou une “enveloppe expérience” (ciné, karting, resto) pour les ados ou encore un mini défi type chasse au trésor avec une récompense fixée à l’avance (pas de “gain” aléatoire)
Si un proche en a déjà offert à votre enfant, ne pas laisser l’enfant gratter “comme un jeu” et expliquer calmement que c’est un produit réservé aux adultes. Si vous gardez le ticket : soit vous le rangez, soit vous le jouez vous-même, mais sans en faire un rituel familial. Profitez-en pour expliquer la différence entre hasard et jeu d’argent, et poser une règle claire : “pas de jeu d’argent avant 18 ans”.
Et si vous sentez que ça dérape (chez un ado, ou même chez un adulte à la maison), mieux vaut en parler tôt, sans jugement. En France, Joueurs Info Service (09 74 75 13 13) et l’accompagnement médical/psychologique existent — le plus dur, c’est souvent de faire le premier pas.
Pour l’ANJ, à Noël, on offre du rêve pas un risque
Le grattage fait partie de la culture populaire, et chez les adultes, il peut rester un loisir encadré. Mais chez les mineurs, l’exposition précoce est un facteur de vulnérabilité, et les chiffres montrent qu’on ne parle pas d’une pratique marginale. L’enquête Toluna–Harris nous met en évidence la banalisation du “ticket à gratter cadeau” malgré une conscience massive du danger. Et la recherche rappelle que le grattage n’est pas neutre : attractivité, accès, omnicanalité et publicité peuvent peser lourd, surtout chez les profils fragiles.
Si on devait résumer ça en langage de joueur : à Noël, le meilleur “coup” pour un enfant, c’est un cadeau qui ne l’entraîne pas à miser, ni son argent, ni son attention, ni sa future relation au risque.









