Paris Sportifs : publicités et régulations, les opérateurs doivent ruser pour se montrer
🔔 Les informations à retenir sur le contournement de la pub des paris sportifs en Europe :
- ✅ La plupart des pays européens ont durci la pub pour les jeux d’argent (sponsoring, horaires TV, influenceurs…).
- ✅ Les opérateurs contournent ces règles via sponsoring “déguisé”, influenceurs, licences offshore et design de leurs applis.
- ✅ Les régulateurs tentent de suivre (lois, chartes, coopération européenne), mais la course-poursuite reste permanente.
Entrez votre adresse email ainsi que votre code postal pour recevoir nos alertes gagnants
Un cadre européen de plus en plus strict sur le papier
Depuis cinq à dix ans, quasiment tous les grands marchés européens ont durci la publicité pour les jeux d’argent, et les paris sportifs en particulier. De l’Espagne à l’Italie en passant par les Pays-Bas, tous les pays prennent au sérieux les risques sanitaires de l’addiction aux jeux d’argent et tentent d’en limiter les effets par un meilleur contrôle des publicités.
Espagne : la “nuit” des pubs
En Espagne, le décret royal 958/2020 a bouleversé le paysage : spots TV et radio cantonnés à la tranche 1h–5h du matin, restrictions drastiques sur les bonus, interdiction des personnalités publiques dans les pubs et des parrainages sur maillots ou stades.
Le message était clair : on laisse le marché exister, mais on coupe l’oxygène publicitaire visible par le grand public.
Italie : le pari du “tout interdit”
L’Italie a été encore plus radicale avec le Decreto Dignità de 2018, bannissant quasi totalement la publicité pour les sites de paris et casinos, y compris le sponsoring d’événements sportifs. Objectif affiché : protéger la santé publique.
Conséquence collatérale : les clubs de Serie A ont perdu des dizaines de millions d’euros de sponsoring et ont cherché d’autres formes d’exposition pour ces mêmes acteurs.
Belgique & Pays-Bas : le tour de vis progressif
En Belgique, un décret royal limite fortement la publicité depuis 2023 et prévoit la fin progressive du sponsoring sportif par les opérateurs de jeux d’ici 2028 pour les clubs pros.
Aux Pays-Bas, interdiction de la publicité “non ciblée” depuis juillet 2023, puis bannissement des parrainages sportifs par les opérateurs en 2025.
Dans les deux cas, la logique est la même : rendre les marques de paris moins omniprésentes, surtout auprès des jeunes.
France : encadrement renforcé, les influenceurs dans le viseur
En France, le marché reste ouvert mais fortement régulé. L’Autorité nationale des jeux (ANJ) parle d’une “régulation exigeante de la publicité” dans ses décisions et rapports.
Quelques marqueurs récents, 670 millions d’euros d’investissements promotionnels pour les jeux d’argent en 2024, en hausse de 14 % vs 2023, dont près de la moitié sur les canaux numériques.
Une loi spécifique sur les influenceurs (loi n°2023-451 du 9 juin 2023) qui encadre leur activité, limite certaines promotions et n’autorise la promo des jeux d’argent que sur des plateformes permettant d’exclure les mineurs.
Parallèlement, plusieurs tribunes et études pointent la dimension de santé publique : certaines évaluations estiment que la majorité du chiffre d’affaires des opérateurs provient de joueurs problématiques ou à risque.
Royaume-Uni : “en retard” mais sous pression
Selon un rapport relayé par la presse britannique, la Grande-Bretagne “accuse du retard” par rapport au reste de l’Europe sur les restrictions publicitaires, alors même que le nombre de mineurs présentant un usage problématique augmente.
En parallèle, des accords volontaires sont signés : par exemple, les clubs de Premier League se sont engagés à retirer les sponsors de paris en front-of-shirt à partir de la saison 2026–2027… tout en gardant la possibilité d’afficher ces marques sur les manches, les shorts ou les maillots d’entraînement.
Comment les opérateurs contournent ou “optimisent” ces règles
Face à cette pluie de contraintes, les opérateurs de paris ne se sont pas contentés de réduire leurs budgets. Ils ont plutôt redéployé leurs efforts vers des canaux et des formats plus difficiles à réguler. C’est là que commence le vrai jeu.
Sponsoring sportif : jeu de miroirs et marques “adjacentes”
Les règles visent souvent “les opérateurs de jeux” de façon explicite. Résultat : on voit apparaître des marques “jumelles” ou “sœurs” (médias sportifs, plateformes de contenus, pseudo-portails d’actualités) dont le logo est quasi identique à celui d’un site de paris et des sponsors officiellement tournés vers l’Asie ou l’Amérique latine, mais omniprésents sur les maillots de clubs européens.
Une enquête d’Investigate Europe, reprise par The Guardian, montre que sur 442 équipes de première division en Europe et au Royaume-Uni, 296 ont au moins un sponsor lié aux paris, et 145 affichent un logo de jeu d’argent en front-of-shirt. Certaines contournent même les interdictions nationales via des marques “crypto-casinos” ou des sociétés basées dans des paradis réglementaires.
On voit aussi des cas où des clubs promeuvent des marques officiellement présentées comme “plateformes média” ou “services fintech”, alors qu’elles sont intimement liées à des opérateurs de jeux voire à des casinos en ligne destinés à l’étranger.
Influenceurs, tipsters et contenus “éditoriaux”
Quand la pub classique est encadrée, le marketing d’influence prend le relais.
Pendant l’Euro 2024, les opérateurs ont massivement utilisé les réseaux sociaux et les influenceurs pour toucher un public jeune : 72 % des parieurs ont moins de 34 ans, et les contenus sponsorisés sur TikTok, Instagram, Twitch ou YouTube ont explosé.
Une étude d’Addictions France menée en 2025 a analysé plus de 2 300 contenus et identifié 19 marques promouvant les paris via des créateurs de contenus, principalement des opérateurs bien connus comme Winamax ou Unibet. 83 % des parieurs exposés à ces influenceurs déclarent que cela leur a donné envie de parier.
La loi française sur les influenceurs et les nouvelles normes européennes d’autorégulation (via l’EGBA et l’EASA) cherchent à encadrer ces pratiques : transparence, interdiction de cibler les mineurs, obligation d’afficher la nature commerciale du message.
🤫 Mais dans la pratique, le contournement passe par plusieurs techniques :
-
👉 Tipsters “indépendants” qui se présentent comme passionnés de sport, tout en renvoyant systématiquement vers un ou deux opérateurs via des liens d’affiliation.
-
👉 Lives et streams où les parieurs jouent “en direct” avec une marque visible en permanence à l’écran, les mentions légales réduites à une note en bas de description.
-
👉 Contenus hybrides : “conseils sportifs”, “analyses tactiques”, “débriefs de matches” qui glissent naturellement vers “mon partenaire pour parier ce week-end, c’est ce site de paris sportif”.
Sur le papier, tout le monde coche les cases de conformité. Dans les faits, l’effet est quasi identique à une campagne publicitaire classique, mais beaucoup moins traçable.
Marque blanche, licences exotiques et crypto-casinos
Autre angle de contournement : jouer sur les différences de régulation d’un pays à l’autre.
Des marques basées à Curaçao ou dans d’autres juridictions souples sponsorisent des clubs européens alors que leurs services ne sont pas officiellement autorisés dans le pays où le club évolue.
Certains sponsors de clubs anglais se sont révélés liés à des opérateurs sanctionnés par la Gambling Commission. Après une amende de 3,3 M£ à TGP Europe, plusieurs marques ont quitté le marché britannique, mais restaient visibles via les maillots et la communication des clubs, au moins un temps. Des acteurs comme BC.Game ou Rollbit mêlent casino, crypto-échange et sponsoring footballistique, brouillant encore un peu plus les lignes entre services financiers, crypto et jeux d’argent.
Pour le spectateur, tout cela reste un logo sur un maillot. Pour les régulateurs, c’est un casse-tête : l’entité légale qui signe le contrat n’est pas toujours celle qui opère le site accessible au public local.
Publicité comportementale et “dark patterns”
Même quand la publicité “classique” est encadrée, le marketing se déplace dans l’interface même des sites et les applis :
-
👉 Notifications push répétées (“votre combiné d’hier était à un but près, retentez votre chance ce soir”),
-
👉 Mise en avant de paris “boostés” juste sous les matchs les plus populaires,
-
👉 Interface qui minimise les outils de modération (limites de dépôt, d’enjeu, auto-exclusion) ou les rend peu visibles.
Des analyses en France ont montré que, malgré l’obligation de proposer des outils de prévention, ceux-ci sont souvent relégués en bas de page ou paramétrés avec des limites élevées par défaut, ce qui en réduit fortement l’efficacité.
On n’est plus dans la publicité au sens classique, mais dans l’architecture de choix : des nudges qui encouragent à rejouer, souvent en contradiction avec les messages de prévention affichés quelques lignes plus haut.
La réaction des régulateurs : une course poursuite permanente
Les autorités ne restent pas les bras croisés, mais elles jouent clairement en défense.
Encadrer l’influence : loi et soft law
La loi française sur les influenceurs encadre désormais explicitement la promotion des jeux d’argent, impose la mention des partenariats et limite les plateformes où ces promotions sont autorisées. Au niveau européen, l’EGBA a publié en 2025 un “engagement” pour un marketing responsable via les influenceurs, élaboré avec l’Alliance européenne de la publicité (EASA) : protection des mineurs, règles de transparence, interdiction implicite de certains contenus très agressifs.
Problème : ces normes sont souvent non contraignantes. Elles servent à structurer les bonnes pratiques, mais ne remplacent pas la loi ni le contrôle.
Limiter la visibilité : bans ciblés et filtres horaires
Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas : ces pays ont déjà montré qu’on pouvait couper une grande partie de la visibilité des opérateurs de paris via des interdictions ciblées (horaires, sponsoring, publicité “non ciblée”). Mais l’expérience italienne, par exemple, montre aussi les effets pervers possibles : baisse des revenus pour les clubs, bascule d’une partie de la pub vers des acteurs moins régulés ou vers des canaux plus opaques.
Comprendre le marketing réel, pas seulement les textes
En France comme ailleurs, plusieurs rapports soulignent que les outils classiques (mentions légales, bandeaux “jouez avec modération”) sont largement contredits par l’intensité des incitations à jouer.
Les études officielles montrent une croissance continue du marché des jeux d’argent, avec un produit brut des jeux en France à un niveau record en 2023, une très forte progression des canaux numériques et une exposition particulièrement importante des jeunes, notamment via les réseaux sociaux.
On commence à voir apparaître des recommandations pour mieux intégrer les sciences comportementales dans la régulation : limiter les “dark patterns”, revoir les interfaces, obliger à rendre les outils de prévention réellement visibles et faciles d’usage.
Et maintenant ? Des pistes pour ne plus jouer la partie à moitié
Pour l’instant, la dynamique ressemble à une course entre législateurs et opérateurs.
Quelques pistes ressortent des travaux de chercheurs, ONG et autorités :
-
1️⃣ Regarder l’écosystème dans son ensemble, pas seulement la TV
Tant que la régulation restera centrée sur la publicité traditionnelle, les opérateurs auront toujours un coup d’avance via les réseaux sociaux, les influenceurs, les crypto-casinos et les sponsors offshore. -
2️⃣ Rendre les clubs et ligues co-responsables
Les exemples britanniques et européens sur les sponsors non licenciés montrent que les clubs peuvent être un point d’entrée pour les régulateurs : conditionner certaines autorisations ou subventions à la nature des sponsors, renforcer les obligations de vigilance des clubs.(The Times) -
3️⃣ Encadrer plus finement le marketing d’influence
La loi française de 2023 a posé une base, mais les études de terrain montrent que beaucoup de contournements persistent : multiplication des “petits” créateurs, contenus pseudo-éditoriaux, renvois indirects, etc. Un contrôle plus fin (échantillonnage, IA de détection des mentions de marque, obligations de reporting des opérateurs) est souvent recommandé.(addictions-france.org) -
4️⃣ Traiter la pub comme un sujet de santé publique
De plus en plus de travaux posent les paris sportifs comme un enjeu d’inégalités sociales : un “impôt sur la fortune du pauvre” qui frappe surtout les joueurs les plus fragiles.(Le Monde.fr)
Cela plaide pour une approche plus proche de celle du tabac ou de l’alcool : campagnes publiques indépendantes, financement obligatoire de la prévention, limitation structurelle de la pression marketing. -
5️⃣ Coopération européenne renforcée
Les stratégies de contournement jouent à fond des frontières : licences exotiques, sponsoring tourné vers d’autres marchés, flux publicitaires transfrontaliers. Sans coordination européenne (sur les standards publicitaires, les sponsorings et le contrôle des plateformes numériques), les règles nationales resteront faciles à contourner.
En théorie, jamais la publicité pour les paris sportifs n’a été autant encadrée en Europe. En pratique, jamais elle n’a été aussi présente dans le quotidien des fans : logos sur les maillots, contenus d’influenceurs, notifications d’apps, “analyses” sportives sponsorisées…
Les opérateurs n’enfreignent pas toujours frontalement la loi ; ils exploitent ses angles morts. Sponsoring de marques cousines, partenariats avec des plateformes basées offshore, marketing d’influence, design d’interface : tout un arsenal permet de maintenir la pression commerciale dans les limites apparentes du cadre légal.
Les articles de médias spécialisés comme Les Enjeux, les études des autorités (ANJ, OFDT, KSA, etc.), les travaux d’ONG comme Addictions France et les enquêtes de grands journaux convergent : si l’Europe veut réellement réduire l’exposition des plus jeunes et des plus vulnérables au marketing des paris, il faudra passer d’une logique de “règles sur la pub” à une approche globale sur l’écosystème du jeu.
En clair : tant que les opérateurs pourront traiter la régulation comme un simple changement de cote à ajuster, ils continueront à miser sur la créativité pour contourner les règles et les joueurs resteront au cœur d’une partie où l’avantage de la maison reste très net.
Entrez votre adresse email ainsi que votre code postal pour recevoir nos alertes gagnants










