Jeux d’argent : vers une taxation des gains pour les gagnants dès 500€ en 2025
🔔 L’essentiel des informations à retenir de la future réforme de la fiscalité des jeux d’argent en 2025 ⤵️
- ✅ Les gains au-dessus de 500 € bientôt imposés : dès qu’un joueur remportera plus de 500 €, une part de son gain sera directement soumise à un prélèvement (de l’ordre de 10 à 12 %), et ce pour tous types de jeux (loterie, paris sportifs, casino, etc.).
- ✅ Une taxation revue et unifiée : la Cour des comptes et la Commission des prélèvements obligatoires préconisent de généraliser l’imposition sur le Produit Brut des Jeux (PBJ) tout en relevant les taxes sur la publicité (jusqu’à 10 % pour les paris sportifs), afin de mieux réguler le marché et lutter contre la surenchère promotionnelle.
- ✅ Des contrôles renforcés et une meilleure régulation : l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) devrait voir ses pouvoirs étendus (audits, mutualisation des données, collaborations avec TRACFIN) pour lutter plus efficacement contre la fraude et protéger les joueurs à risque, tout en assurant une plus grande transparence sur l’origine des gains supérieurs à 500 €.
Un état des lieux de la fiscalité des jeux d’argent : un système complexe et inégal
Des règles différentes selon le type de jeu
La fiscalité des jeux d’argent en France se déploie sur plusieurs segments distincts, chacun soumis à des règles spécifiques.
En France, l’ANJ et la législation propose les jeux d’argent suivant :
- ➡️ Loteries et jeux de grattage (Française des Jeux en point de vente et en ligne)
- ➡️ Paris sportifs (en ligne en concurrence et en point de vente par FDJ / Parions Sport)
- ➡️ Paris hippiques (gérés par le PMU en point de vente et en concurrence en ligne)
- ➡️ Jeux de casino terrestre (machines à sous, roulette, blackjack avec plus de 200 établissements en France)
- ➡️ Poker en ligne (en concurrence)
Selon les cas, la taxation peut porter sur les mises (montant total engagé par les joueurs) ou sur le produit brut des jeux (PBJ), c’est-à-dire la différence entre les mises et les gains reversés. Cette pluralité de régimes et d’assiettes entraîne des taux très variables pouvant aller de 10 % à plus de 50 %, et complique la compréhension pour les opérateurs, les joueurs et même les collectivités.
Un manque de cohérence qui pénalise la concurrence
La Cour des comptes souligne que la France compte aujourd’hui plus de 15 milliards d’euros de mises annuelles (hors gains reversés) tous jeux confondus. Cependant, la structure même des prélèvements, fondée sur plusieurs textes législatifs et réglementaires, crée une situation parfois jugée « injuste » par les opérateurs : certains se voient appliquer des taux très élevés sur les mises, tandis que d’autres bénéficient de régimes plus cléments ou dérogatoires. Résultat : distorsions de concurrence et manque de lisibilité pour attirer des investissements.
Les grandes lignes de la réforme préconisée par la Cour des Comptes
Le secteur des jeux d’argent s’apprête à vivre un véritable bouleversement. Le rapport remis par la Cour des comptes et la Commission des prélèvements obligatoires préconise en effet de taxer les gains dépassant 500 €, de revoir le mode de taxation autour du Produit Brut des Jeux (PBJ), et de revaloriser la fiscalité sur la publicité. Dans le même temps, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) verrait ses prérogatives renforcées, pour mieux contrôler un marché en pleine expansion.
Voici, en détail, les principales mesures proposées.
Taxer les gains des joueurs gagnants dès 500 €
L’une des propositions marquantes du rapport consiste à imposer systématiquement les gains supérieurs à 500 €. Concrètement, cela se traduirait par l’imposition sur les gains de loterie et des autres jeux, provoquant un séisme pour les joueurs qui avaient pour habitude de recevoir des gains 100% net d’impôts.
- ➡️ Une retenue à la source de l’ordre de 10 à 12 % (le taux précis restant à déterminer) sur la part de gain excédant 500 €. Par exemple, un joueur remportant 1 000 € pourrait être imposé sur 500 € (1 000 – 500 = 500 €), au taux en vigueur.
- ➡️ Une déclaration automatique auprès de l’administration fiscale, facilitant la lutte contre l’évasion et le blanchiment, et participant à une meilleure traçabilité des transactions de jeu.
Selon la Commission des prélèvements obligatoires, cette mesure pourrait générer entre 200 et 300 millions d’euros de recettes supplémentaires par an, tout en ciblant principalement les gains significatifs, sans trop affecter les petits joueurs mais avec des retenus très importantes pour les gagnants de loterie du Loto ou de l’EuroMillions.
Faire converger les taux vers le produit brut des jeux (PBJ)
Pour mettre fin à la disparité des barèmes, la Cour des comptes recommande de généraliser la taxation sur le Produit Brut des Jeux (PBJ) :
- ➡️ Une assiette plus pertinente : Taxer la marge réelle des opérateurs (ce qu’ils conservent après avoir redistribué les gains) plutôt que la totalité des mises.
- ➡️ Des taux unifiés : L’hypothèse la plus discutée est l’instauration d’un taux de 20 % pour les petits opérateurs, pouvant grimper jusqu’à 35 % pour les très grands acteurs dont le PBJ dépasserait 100 millions d’euros par an.
D’après les projections officielles, cette simplification permettrait de stabiliser le rendement fiscal autour de 1,5 milliard d’euros par an pour l’ensemble des jeux d’argent.
Revaloriser les taxes sur la publicité des jeux d’argent
Autre point crucial soulevé par les deux institutions : l’essor de la publicité pour les jeux, notamment en ligne. Le marché de la communication des opérateurs aurait bondi de 240 millions d’euros en 2018 à plus de 450 millions d’euros en 2023, selon des estimations convergentes.
- ➡️ Paris sportifs : Une nouvelle taxe sur la publicité pourrait passer de 5 % à 10 % du montant des dépenses publicitaires, pour freiner l’hyper-promotion autour des grands événements sportifs.
- ➡️ Jeux de loterie : Les campagnes de la FDJ, traditionnellement ciblées sur la solidarité et les « bonnes causes », échapperaient partiellement à cette hausse, mais pourraient voir leur taux minimal augmenter de 4 % à 6 %.
- ➡️ Jeux de casino en ligne : Les experts recommandent une taxe de 12 % sur les dépenses de publicité en direction du public français, pour mieux encadrer un marché jugé très agressif commercialement.
L’objectif affiché est de limiter l’incitation à la pratique de jeux d’argent, de canaliser l’explosion des campagnes, tout en dégageant des fonds pour la prévention de l’addiction.
Renforcer le rôle de l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ)
🔔Le rapport propose enfin d’accroître les prérogatives de l’ANJ, notamment :
- ➡️ Augmenter les effectifs de contrôle (une hausse de 25 % est évoquée) pour mieux superviser l’offre en ligne.
- ➡️ Multiplier les audits en collaboration avec TRACFIN, pour repérer les flux financiers suspects.
- ➡️ Encourager la mutualisation des bases de données entre opérateurs, afin de mieux identifier les joueurs à risque ou les comportements frauduleux.
Quels changements d’imposition pour chaque type de jeu ?
Loteries (Française des Jeux)
La Française des Jeux (FDJ) pourrait voir son régime fiscal profondément remanié. Jusqu’ici soumise à un statut hybride, elle basculerait, dès 2026, vers une taxation sur le Produit Brut des Jeux (PBJ), au même titre que les autres opérateurs. Parallèlement, les gains dépassant 500 euros – qu’il s’agisse de jeux de grattage ou de tirage (Loto, Euromillions, etc.) – seraient désormais concernés par une imposition immédiate. Concrètement, un heureux gagnant décrochant 10 000 euros sur un ticket à gratter devrait en reverser entre 900 et 1 200 euros au fisc.
Paris sportifs
Les amateurs de paris sportifs ne sont pas en reste : toute victoire supérieure à 500 euros serait aussi soumise à la nouvelle taxation, qui s’ajoute au prélèvement sur le PBJ. Autre point sensible, la taxe publicitaire pour ce segment passerait de 5 % à 10 %, dans l’optique de freiner l’intensité des campagnes marketing. Les opérateurs s’inquiètent toutefois d’un possible exode des parieurs vers des sites basés à l’étranger, où la fiscalité se révèle moins contraignante.
Paris hippiques (PMU et concurrents)
Du côté des paris hippiques, la fin de certaines exonérations accordées au PMU semble se profiler. Le géant des courses, qui contribue chaque année à hauteur de 800 millions d’euros au financement de la filière équine, pourrait voir son régime dérogatoire prendre fin. Les paris hippiques se retrouveraient alors progressivement intégrés au barème de 20 à 35 % sur le PBJ, avec une retenue dès 500 euros de gains. En toile de fond, des députés militent pour le maintien d’une contribution spécifique au monde équestre, qui pourrait être prélevée sur la future taxe publicitaire.
Jeux de casino et poker en ligne
Côté casinos terrestres, déjà assujettis à une taxation effective pouvant dépasser 50 %, la transition vers un système basé sur le PBJ pourrait, paradoxalement, alléger leur fardeau fiscal. Pour le poker en ligne, en revanche, la taxe sur le « rake » (la commission prélevée par l’opérateur) resterait d’actualité et viendrait s’ajouter à la nouvelle taxe PBJ, suscitant des inquiétudes quant à un éventuel effet cumulatif trop lourd pour les professionnels. Enfin, la hausse de la taxation publicitaire à 12 % pourrait encourager une partie des joueurs de casino en ligne à se tourner vers des plates-formes basées à l’étranger, notamment à Malte ou Gibraltar, réputées pour leurs conditions fiscales plus souples.
Conséquences pour les opérateurs et les joueurs de cette nouvelle fiscalité pour 2025
Du côté des opérateurs
Les professionnels du secteur pourraient bientôt faire face à une augmentation sensible des coûts. Au cœur du débat, la mise en place d’une taxation plus unifiée mais globalement relevée, qui risque d’affecter directement les marges des entreprises. Par ailleurs, le passage à une taxation sur le Produit Brut des Jeux (PBJ) appelle une profonde refonte des systèmes informatiques et du reporting, ce qui génère d’importants besoins en investissement et en ressources. Autre inquiétude majeure : la conjugaison d’un nouveau barème fiscal et d’une forte hausse de la taxe publicitaire fait craindre un recul des investissements des opérateurs sur le marché français.
Du côté des joueurs
Un nouveau seuil d’imposition fixé à 500 euros devrait entraîner un prélèvement direct sur les gains dépassant cette somme, ce qui pourrait refroidir l’attrait pour certains jackpots ou paris exigeant une mise élevée. De plus, pour compenser l’alourdissement de la fiscalité, les opérateurs envisageraient de réduire les cotes ou les bonus promotionnels, rendant les offres moins alléchantes. En contrepartie, cette évolution s’accompagne d’un renforcement du contrôle afin de mieux lutter contre la fraude, le blanchiment d’argent et l’addiction. De nouveaux outils de détection des comportements à risque devraient ainsi être déployés, contribuant à mieux protéger les joueurs.
Mise en œuvre, calendrier et perspectives
Un arbitrage législatif déterminant
Les recommandations de la Cour des comptes et de la Commission des prélèvements obligatoires ne sont pas contraignantes. Toutefois, le gouvernement pourrait s’en inspirer pour bâtir un projet de loi en 2025 ou 2026, selon les objectifs de recettes fiscales (le ministère des Finances espère récupérer entre 1,5 et 2 milliards d’euros par an grâce aux jeux). L’équilibre politique à l’Assemblée et au Sénat, où la question divise (certains élus souhaitant préserver la filière hippique ou la FDJ, d’autres réclamant un durcissement pour protéger les joueurs) et enfin les concertations avec les opérateurs, qui exerceront un fort lobbying pour éviter une envolée brutale des prélèvements.
L’Europe surveille de près la fiscalité des jeux d’argent. Une surtaxation trop élevée en France risquerait de décourager l’implantation d’opérateurs légaux et de favoriser la concurrence étrangère. Le rapport propose d’explorer des coopérations européennes, afin de mieux harmoniser les standards de régulation et de publicité, tout en intensifiant la lutte contre les sites illégaux.
Avec la proposition de taxer systématiquement les gains au-delà de 500 € et d’augmenter la taxation sur la publicité, la Cour des comptes et la Commission des prélèvements obligatoires s’attaquent à deux leviers majeurs : le rendement fiscal et la prévention de l’addiction. En unifiant la fiscalité autour du produit brut des jeux, elles souhaitent également rendre le dispositif plus juste et plus transparent.
Reste à savoir quand et comment ces pistes seront concrètement mises en œuvre. Les opérateurs craignent un choc fiscal trop brutal, susceptible de rogner leurs marges et d’inciter certains joueurs à se tourner vers le marché gris ou noir. Le gouvernement devra donc arbitrer entre l’impératif de recettes, la concurrence internationale et la protection des joueurs, afin de forger un cadre moderne et équilibré pour un secteur pesant déjà plusieurs milliards d’euros dans l’économie française.