Euromillions : pourquoi la loterie fait-elle de moins en moins rêver ? (participation en baisse)

La participation au dernier tirage Euromillions record du 8 juillet 2022 inquiète, elle n'a jamais été aussi faible pour un tirage plafond, d'autant plus lorsque celui-ci atteint un montant record de 230 millions d'euros. Mais pourquoi la loterie européenne ne fait-elle plus rêver ?
Simon Richomme
Euromillions : pourquoi la loterie fait-elle de moins en moins rêver ? (participation en baisse)

Cagnotte record, mais participation en berne, pourquoi ?

La cagnotte de l’Euromillions est historique et proposera à nouveau  230 millions d’euros pour ce prochain tirage du mardi 12 juillet 2022. Vendredi dernier, ce plafond Euromillions avait déjà été mis en jeu et plus de 56 millions de grilles ont été cochées à travers toute l’Europe. Si cette participation est très nettement supérieure à la moyenne des tirages inférieure à 100 millions d’euros d’enjeu, elle reste faible au regard du montant astronomique mis en jeu par la loterie européenne.

Fatigue de perdre ? Manque d’argent dû à la crise ? Pause estivale des joueurs en vacances ? Autant d’arguments en faveur d’une baisse nette et progressive de la participation aux loteries à commencer par l’Euromillions en Europe dont les taux de participation depuis le confinement du covid peine à repartir à la hausse.

Euromillions : les raisons possibles de la perte d’engouement

92% des grilles sont perdantes* (selon les probabilités)

Les statistiques des loteries et plus précisément de la loterie européenne sont formelles, vous avez 92% de chances de voir votre grille être perdante à l’issue d’un tirage. Si cette probabilité n’a pas « trop » évolué depuis le lancement de l’Euromillions en 2004, ce pourrait être l’une des raisons de la perte de vitesse de la loterie européenne vis-à-vis de joueurs qui ont accès à de plus en plus de jeux d’argent à fort taux de retour. Habituées à repartir avec de « petits » gains plus souvent aux jeux de grattage (Illiko), aux paris sportifs ou au poker en ligne, l’attirance pour le simple hasard et ses probabilités relevant du miracle de gagner semblent ne plus faire rêver…

Des gains intermédiaires rabotés au profit du jackpot en 2016 puis en 2020.

Conscients que la participation est exponentielle à mesure que le jackpot grossit, les opérateurs de jeux, dont la FDJ, n’ont eu cesse de modifier les règlements de l’Euromillions depuis 2004, durcissant à la fois les chances de remporter le jackpot ou l’un des rangs de gains intermédiaires, mais en rendant également les gains des rangs ‘hors jackpot » moins intéressant afin de financer une croissance plus rapide du pactole.

Si les règles de 2020 et la croissance du jackpot jusqu’à 250 millions d’euros ont permis de toucher un plafond maximum à 4 reprises (200, 210, 220 et maintenant 230 millions d’euros), celles-ci ont également vu fondre l’argent distribué au rang n°2 qui ne permet plus que d’espérer un retour de 100 à 200 000€ là où il proposait rarement moins de 500 000€ auparavant.

En vacances, moins de joueurs de loteries, de poker ou de paris sportifs.

C’est un fait, la consommation de jeux d’argent en été est très fortement réduite, notamment en ce qui concerne les jeux de loterie, de poker ou de paris sportifs. Les casinos des stations balnéaires en revanche battent leur plein durant la période estivale.

La faible participation enregistrée lors du dernier tirage Euromillions peut-être imputé à la période estivale, peu propice à une forte participation et cela dans l’ensemble des pays de la communauté Euromillions.

Une crise économique durable en cours, et à venir…

Si l’histoire veut que la participation aux jeux d’argent soit renforcée à mesure que les problématiques économiques sont importantes, la réalité actuelle pourrait ne pas suivre ce lieu commun. En effet, si les pratiques de jeux à risques se sont renforcées depuis la crise covid due notamment à l’isolement de certaines populations de joueurs, la masse des joueurs quant à elle est moins encline à dépenser de l’argent dans des jeux de hasard comme l’Euromillions.

Les années qui se profilent pourraient voir une accentuation des difficultés économiques au niveau mondial et se déséquilibre pourrait nuire, une fois encore à la participation aux jeux de hasard, et en première ligne les loteries dont l’habilité et la notion de « contrôle » n’opèrent pas, à l’instar du poker, des paris hippiques ou des paris sportifs qui devraient bénéficier de la situation.

Euromillions : la France pourtant fortement redistributrice

1 millionnaire garanti depuis 2014, My Million donne de l’espoir

Dans cet océan d’argumentaire à la défaveur de la pratique d’Euromillions, plusieurs choses démontrent que la Française des jeux souhaite améliorer considérablement l’attrait de la loterie européenne pour chaque tirage et non rêver exclusivement à un jackpot astronomique que peu de gens font tomber chaque année.

Dès 2014, en avance sur les autres pays et l’uniformisation des pratiques de « tombola » instaurée en 2016, le jeu My Million permet d’assurer un grand gagnant à 1 million d’euros en France à chaque tirage. Cette tombola est certainement le facteur le plus marquant des 10 dernières années à l’Euromillions. À l’image de la tombola Loto lancée lors des règles de 2017, la plupart des loteries à l’internationale proposent ce type de jeu qui garantit des gagnants pour chaque tirage et améliore fortement l’espoir d’un gain.

En France, chaque mardi et chaque vendredi soir, vous avez entre 1 chance sur 3 à 5 millions* de remporter 1 million d’euros, une probabilité nettement supérieure à celle de remporter le jackpot qui n’est que d’une sur 139 millions de combinaisons différentes.

* nombre moyen de prises de jeux en France pour les tirages du mardi et du vendredi.

Étoile+, l’option 100% française qui donne 25% de chances de gagner

Lancée exclusivement en France en 2016, l’option Étoile+ de l’Euromillions permet d’ajouter 2 rangs de gains aux 13 rangs standard et ainsi d’obtenir un retour sur investissement plus important.

Concrètement, vous toucherez un gain si vous ne trouvez aucun numéro et l’une ou les deux étoiles. En plus de cela, vous toucherez également un gain complémentaire si vous parvenez à entrer dans les 13 autres rangs de gains (comprenant des étoiles). Cette option fait passer les chances de remporter un lot de 8% à 25%, soit 1 chance sur 4 de remporter un lot.

Avec cette option (qui vous coûtera 1€ supplémentaire par grille jouée), la FDJ pallie aux chances très minces de remporter un gain à la loterie européenne Euromillions.

Euromillions : 2 fois moins de joueurs qu’en 2006

L’érosion des joueurs est très forte depuis 2004 et le lancement en grande pompe de la première et de la plus importante loterie multiétats en Europe. Entre les plus sommets de participation enregistrée en 2006 avec plus de 132 millions de grilles jouées pour certains tirages et les plus hauts taux de participation depuis 2019 qui ne dépasse pas les 65 millions de grilles enregistrées, ce sont 50% des joueurs qui ont quitté le « navire » Euromillions en l’espace de 13 ans.

L’historique de la loterie européenne est intéressant puisqu’il montre que les modifications de règles successives visant à faire grossir les cagnottes toujours plus haut n’ont pas permis d’enrayer la baisse de la participation. Entre 2004 et 2006, un très grand nombre de cagnottes étaient remportées dues à une participation impressionnante, empêchant la cagnotte de monter durablement. Les changements de règlements successifs ont réussi leur objectif de faire grandir les jackpots, mais ont également déçu un grand nombre de joueurs qui ne voyait plus la « possibilité » de remporter la cagnotte.

Évidemment, il s’agit ici d’un biais cognitif fort puisque les chances de gagner la cagnotte Euromillions ont été faibles dès le départ. Toutefois, la diminution du nombre de gagnants dû à la difficulté de trouver les combinaisons gagnantes ont entamé une chute des prises de jeux qui elles même ont conduit à la faible tombée des jackpots, le cercle vicieux était entamé.

Le tirage Euromillions du 8 juillet dernier qui a vu 56 millions de grilles être jouées est symptomatique de la période de crise que vit actuellement le secteur de la loterie. Jamais un tirage plafonné n’avait recueilli aussi peu de joueurs.

Ci-dessous, retrouvez les taux de participation pour les 5 derniers jackpots plafonnés à Euromillions depuis 2019.

Date du tirage Montant du jackpot plafonné Nombre de grilles jouées
Vendredi 8 juillet 2022 230.000.000€ 56.497.390 (-14%)
Vendredi 15 octobre 2021 220.000.000€ 65.739.684 (+7,2%)
Vendredi 26 février 2021 210.000.000€ 61.006.392 (+5,2%)
Vendredi 11 décembre 2020 200.000.000€ 57.814.247 (-5,8%)
Vendredi 8 octobre 2019 190.000.000€ 61.419.075

Une crise du secteur loterie mondiale

Que les opérateurs de jeux d’argent européens se rassurent, la crise du secteur loterie n’est pas exclusive au marché européen. Aux États-Unis notamment, la course aux jackpots records opérés en 2018 par les jeux Mega Millions et Powerball ont également vu l’engouement des joueurs s’effondrer lorsque les jackpots n’étaient plus remportés qu’une fois tous les 2 à 3 mois en moyenne. Si la participation à ces loteries multiétats aux USA augmente dès lors que la cagnotte dépasse les 400 millions de dollars, celle-ci retombe aussi vite lorsque le jackpot fini par être remporté, et cela durablement pendant plusieurs semaines.

À l’inverse des ces loteries multiétats, les loteries nationales quant à elle conserve un attrait fort à l’image du Loto français qui sait conserver une très forte participation à l’instar du Lotto belge et son très grand nombre de gagnants ou encore de la nouvelle loterie multiétats « accessible » Lotto América » de l’autre côté de l’Atlantique.

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